« Tout est bon ? Nous pouvons commencer ? » Ethan, il attend. De toute façon, il ne peut rien faire d’autre. Retenant un soupire, il se masse la nuque, et voit les minutes passer tandis que le journaliste face à lui continue ses dernières préparations. On lui tend une boisson, un thé glacé plus exactement, en pensant que ça change quelque chose au fait qu’il puisse s’ennuyer. Il regarde autour de lui, hausse un sourcil quand on vient voir une nouvelle fois si tout se passe bien pour lui, puis se concentre sur les tic et les tac inaudibles que font sa montre. Il fixe l’heure qui avance, comme il peut avoir l’habitude de le faire, parce que ça l’a toujours fasciné.
Tic, tac.
Tic, tac. (tu craques) On l’interpelle, on le sort de sa bulle, il relève la tête.
« Excusez-moi ? »« Tout est prêt monsieur Choi, nous pouvons commencer, excusez-nous pour le retard. » « Ah, oui, ce n’est pas grave, ne vous inquiétez pas. » Et il souriait, même si au fond, ça l’était. Il avait clairement d’autres choses à faire après ça et le retard qu’avait pu prendre le journaliste n’était clairement pas à son avantage. Mais bon, ce n’était là qu’un vulgaire détail… non ? Heureusement pour lui qu’il avait envisagé ce genre d’imprévu lorsqu’il avait organisé son emploi du temps, et qu’il n’avait rien programmé après tout ça. Hormis peut-être voir son meilleur ami, à qui il envoya un rapide sms, faisant part du retard accumulé. C’était fatiguant. Bonjour l’organisation.
Tic. Tac.
Tic. Tac.Le même sourire hypocrite sur les lèvres, Ethan écoutait à moitié la personne qui commençait d’ores et déjà à se présenter.
Okay, c’était un journaliste, il avait tel prénom, et patati, et patata, et blablabla. Clairement, il se fichait de tous ces détails. Tout ce qu’Ethan voulait, c’était qu’on lui pose ces questions dont il avait appris les réponses par coeur, et qu’on le laisse partir. Au moins, le garçon pouvait remercier son agence qui avait rédigé toutes les réponses qu’il devait donner au journal. Pas un mot de plus, pas un de moins. Dispatch était plutôt du genre à déformer les propos, et au moins, s’il y avait quelque chose à redire sur son interview, il allait pouvoir rejeter la faute sur la personne qui s’était occupée de son texte. On ne pouvait rien lui reprocher sinon d’avoir fait son boulot avec perfection, comme toujours. Le temps passait lentement aux yeux de l’anglais… Et pourtant, les gens autour de lui semblaient comme absorbés par toutes ces informations “croustillantes” qu’il pouvait bien leur donner. Interview exclusif qu’ils disaient, et pourtant, c’était les mêmes questions que d’autres journalistes avaient pu lui poser précédemment ; à quelques mots près, les réponses étaient les mêmes, juste formulées différemment. Pourquoi se compliquer la tête quand on se retrouve toujours face à des questions semblables.
Tic. Tac.
Tic. Tac.Là, actuellement, il ne rêvait que d’une chose : jouer à ce nouveau jeu qu’on lui avait offert, en compagnie de son meilleur ami et d’autres “camarades” de jeu. Rien n’était à ses yeux plus ennuyant qu’un interview de ce genre. Les échanges n’avaient rien de dynamique, et le fait que tout soit préparé rendait la chose encore plus inutile qu’elle ne pouvait déjà l’être. Autant directement leur donner le pdf qu’on lui avait envoyé et demandé d’apprendre, non ? Ainsi, il aurait pu éviter de gaspiller son temps à lire tout ça… et à le retenir.
Tic. Tac.
Tic. Tac.Oh ?!
Tic.Aurait-il loupé quelque chose ?
Tac.Ce n’était pas dans le script, ça.
Tic.Ethan se stoppe dans sa réflexion, et porte désormais toute son attention à la personne face à lui qui, son stylo en main, attendait une réponse de sa part.
Tac.Lui qui n’avait écouté que d’une oreille distraite se retrouvait soudainement intéressé. Voilà qui devenait plus palpitant à ses yeux. L’improvisation, c’est dans ses gênes, et le fait qu’on lui pose soudainement des questions qui n’étaient de bases pas prévues sont comme un défi qu’il se voit obligé de relever. Un sourire en coin dissimulé, il acquiesce lorsqu’on lui demande si l’on peut lui poser des questions supplémentaires.
L’interview était basé sur son rôle au sein d’un nouveau drama, mais voilà que les journalistes semblaient plus curieux que prévu.
« Lorsque l’on a posé la question à vos collègues, et qu’on leur a demandé de nous citer l’une de vos qualité, la plupart nous ont répondu que vous étiez très professionnel, et très doué dans l’apprentissage de vos textes. Alors, racontez-nous, quel est votre secret ? Vous devez bien en avoir un, non ? »« Ah oui ? » Il lâche un rire, alors qu’en réalité, il trouve cette question absurde, peut-être avait-il surestimé le journaliste. Il n’y a pas de secret pour être professionnel. On l’est, ou on ne l’est pas. On est sérieux, ou on ne l’est pas. C’est aussi simple et aussi logique que 1 et 1 font 3. Mais si c’est l’occasion de se mettre en avant, allait-il se gêner ? Non. Absolument pas.
« Eh bien, je pense que j’ai la chance d’avoir une très bonne mémoire, alors, évidemment, ça aide lorsqu’il est question d’apprendre un texte. » D’ailleurs, est-ce que “très bonne mémoire” étaient les mots adéquates ? Hmm, pas vraiment. En fait, c’était plutôt compliqué à expliquer… Lui même se surprenait parfois.
« C’est donc la raison pour laquelle vous avez toujours été bon élève ? » Tiens… Voilà qu’on s’intéressait à son passé, à lui, et non plus à l’acteur qu’il était. Il se redresse un peu et fixe le coréen. Les questions demandaient désormais un minimum de réflexion de sa part. Il savait exactement quoi répondre, mais hésitait légèrement sur ce qu’il pouvait réellement raconter de sa vie.
« Vous pensez ? Peut-être. C’est vrai que je n’ai jamais rencontré de difficulté à l’école. Mais il suffit de travailler régulièrement et sérieusement chez soi pour avoir les résultats qui suivent. » Menteur, il n’avait pas une seule fois ouvert ses cahiers en dehors de ses cours, et c’était toujours simplement contenté d’écouter en classe. Tout ça pour faire bonne figure, hein…
« Pourtant, cela fait longtemps que votre emploi du temps est chargé. Est-ce que le fait d’être enfant acteur à altérer votre scolarité ? D’autant plus que vous semblez avoir souvent changé de pays, ça ne vous a jamais dérangé ? » Voilà qui devenait de plus en plus étonnant. S’il y avait des questions auxquelles il ne s’était pas attendu, c’était bien celles-ci.
Tic. Tac.« Mes parents ne venant pas du même pays, il est vrai que j’ai souvent été amené à vivre à Cambridge et à Séoul, pendant des périodes différentes. Mais c’est quelque chose à laquelle j’ai été habitué très tôt, et ça ne m’a jamais dérangé. » Qu’il soit en Angleterre ou en Corée du Sud, c’était à ses yeux strictement pareil. Il n’avait besoin de rien si ce n’est une grande maison, ses peluches, et ses parents. Des amis, il pouvait toujours s’en faire, où qu’il soit. Enfin, c’est ce qu’il avait pensé lorsqu’il avait pour la première fois quitté son pays natal pour le pays du matin calme, le pays de son père. Il avait cinq ans.
« J’étais jeune lorsque je suis apparu dans mon premier film. Nous venions de déménager, et ce film était d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes venus nous installer en Corée. Mon père étant le producteur des quelques films dans lesquels j’ai eu l’occasion d’apparaître enfant, cela m’a permit de suivre une scolarité comme n’importe quel enfant. Je ne faisais rien sur le temps des classes. » Tout simplement parce que son père avait toujours refusé de lui faire rater ne serait-ce qu’un seul cours. C’est qu’il y tenait à l’éducation de son unique fils. Le temps qu’il avait de libre, Ethan, il l’avait souvent passé avec son père lorsque ce dernier lui donnait un rôle dans ses réalisations.
« C’est donc votre père qui vous a fait devenir acteur, ou c’est vraiment ce que vous vouliez être ? Est-ce que sont aussi vos parents qui vous ont poussé à rejoindre une agence ? » L’anglais prend une gorgée de son thé glacé qu’il avait gardé en mains. Ce fut son seul réflexe pour ne pas soupirer suite à cette question qu’il trouvait une nouvelle fois décevante. Depuis quand un enfant de cinq ans se ramène devant ses parents en mode
“je veux jouer dans un film !” Enfin… C’était certainement possible, mais il n’en restait pas moins que l’enfant en question n’avait sûrement aucune idée de ce que pouvait représenter le métier qu’il souhaitait visiblement exercer, et que les parents étaient bel et bien à l’origine de sa présence à l’écran.
« C’est bien mon père qui a décidé de me donner mon premier rôle, mais c’est bel et bien moi qui, par la suite, ai souhaité continuer et devenir acteur. » Parce que c’était son domaine de prédilection, il l’avait toujours su. Même enfant, il s’était projeté dans l’univers du septième art comme si c’était le sien suite à ces quelques expériences aux côtés de son paternel.S’il n’avait pas souhaité continuer de lui même, il aurait refusé ce rôle dans ce film anglais, il n’aurait pas accepté de jouer dans des dramas, et n’aurait pas candidaté ça et là pour obtenir de nouveau contrat. D’ailleurs, la deuxième partie de sa question le fit pencher la tête sur le côté. S’il avait rejoint une agence, ce n’était pas dans le cadre de son métier d’acteur, mais bel et bien parce qu’il avait été attiré par un nouveau domaine…
« J’ai rejoint la Dream Entertainment en tant que Trainee, en 2011, et non en tant qu’acteur. » Mais ça, il devrait le savoir, ça.
« Cela fait quelques années que je souhaite possiblement devenir une idole. » Il ne pouvait pas dire ici qu’il n’avait pas demandé l’avis de ses parents avant d’envoyer sa candidature… Et qu’il avait seulement compté sur l’avis de sa cousine et de son meilleur ami. Heureusement pour lui que ses parents ne pouvaient rien lui refuser et qu’ils avaient accepté de revenir en Corée, eux qui étaient une nouvelle fois retourné à Cambridge. Il sourit en repensant à ses débuts en tant que Trainee, à ces heures d'entraînements, puis à son meilleur ami qui l’avait rejoint un an plus tard. C’était un rêve qu’il aurait aimé accomplir à ses côtés.
« Mais vous n’avez jamais débuté avec la Dream Entertainment, c’est pourquoi vous êtes passé à la Joy Play ? Cela fait quand même quelques années du coup que vous êtes devenu trainee. » Là, ça commençait à devenir un peu plus délicat, et Ethan n’appréciait pas du tout la façon dont le journaliste pouvait rappeler le nombre d’années depuis lesquelles il avait rejoint le monde des agences d’idole. Et c’est surtout ainsi qu’il remarquait à quel point le journaliste qu’il avait en face de lui n’en savait que trop peu sur son parcours. Peut-être aurait-il dû se renseigner un minimum avant de poser ce genre de question. Pourtant, même s’il était à deux doigts de demander la fin de l’interview, il ne pu s’empêcher de continuer.
« En arrivant à la Dream Entertainment, j’avais un contrat de Trainee d’une durée de trois ans. Des problèmes de santé m’ont empêché à partir de 2013 de continuer mon entraînement en tant que Trainee, et je n’ai donc pas pu rejoindre de groupe ou autre. Un peu comme un hiatus si vous voulez. » Lui qui avait été à deux doigts d’atteindre son objectif avait dû tout mettre de côté. Tout ça à cause d’une vulgaire chute, d’un surentraînement. Une hernie discale dont seuls son meilleur ami et lui-même connaissent la véritable provenance. Lui dont la santé était fragile de base avait finalement touché le gros lot.
« Malgré ce “hiatus”, mon contrat chez la Dream Entertainment est arrivé à terme, et j’ai reçu une offre de la part de la Joy Play. C’est aussi simple que ça. » Et il n’avait pas pu refuser. La Dream Entertainment, bien qu’il tienne beaucoup à cette agence, n’était pas assez puissante sur le marché. Au final, s’il voulait débuter, c’est à la Joy Play qu’il allait avoir le plus de chance, et c’est ce pourquoi il avait fini par accepter de signer dans cette dernière, beaucoup plus prestigieuse que son ancienne agence.
« Même si des problèmes de santés et familiaux m’ont empêché de reprendre directement le statut de Trainee, j’ai tout de même rejoint la Joy Play en 2015. » En même temps, s’il avait directement accepté de se faire opérer, peut-être qu’il aurait plus vite guéri de ses différents problèmes. A tout ça s'ajoutait aussi le divorce de ses parents, même si ce dernier ne l’avait pas tant affecté que ça tant il s’était fait d’un commun accord et dans le plus grand des calmes. Ses parents ne s’étaient jamais disputés, et avaient simplement perdu cet amour qui les liait. Certes, ce fut pendant un certain temps assez déconcertant de ne plus les voir ensemble, ni autant l’un que l’autre, mais il s’y était rapidement adapté... Enfin, ça, c’était jusqu’à ce que sa mère trouve un nouveau “
petit-ami” et décide d'emménager avec lui. Le pire dans tout ça, ce n’était pas tant la relation que pouvait avoir sa mère avec cet homme. Non, pas du tout. Le pire, c’est qu’Ethan, qui était revenu s’installer officiellement en Corée, devait vivre avec eux. Et lorsqu’il disait eux, il comptait sa mère, son “
beau-père”, et surtout la fille de ce dernier. Élément perturbateur qui ne méritait même pas qu’Ethan pense à elle au beau milieu d’un interview tellement son existence même l'insupportait. Ethan finit d’une traite sa boisson avant de reprendre la parole. Il fallait qu’il pense à autre chose.
« Signer pour la Joy Play m’a d’ailleurs permis de décrocher plusieurs rôles dans des Dramas. » Son passé d’acteur jouait grandement, bien évidemment, mais ce fut sans aucun doute un gros plus pour lui qui n’avait pas arrêté pendant cette période les allers et retours entre Séoul et Cambridge où il faisait son lycée, en parallèle. Au final, même s’il ne pouvait pas suivre d'entraînements, il se consacrait entièrement à sa carrière cinématographique.
« C’est d’ailleurs pour ça que je suis ici, non ? Pour mon rôle dans un drama. » Il espérait ainsi que le journaliste reparte sur des questions concernant son rôle, ou encore le drama dont il était question, mais non, il ne semblait pas de cet avis.
« Récemment, il y a une rumeur qui court comme quoi vous comptez participer à Produce U… Est-ce que vous pouvez nous le confirmer ? » Et, Ethan, il sourit, essayant à travers ce dernier de faire comprendre au journaliste qu’il s’arrêterait là et ne répondrait pas. Il avait déjà beaucoup trop parlé. Qu’allait dire son agence maintenant… Au pire, tant pis, de toute façon, ils ne pourront rien lui faire. Son avenir est déjà tracé pour le moment.